• Critique littéraire : Industriels et banquiers français sous l’occupation

    Annie Lacroix-Riz examine la collaboration entre les dirigeants de l'économie française et les occupants allemands entre 1940 et 1944. Il s'agissait de profits dans une Europe unifiée sous domination allemande.

    Début septembre 1941, certains des industriels et banquiers les plus influents de la France occupée par l'Allemagne ont clairement exprimé leur position sur les plans du Reich nazi pour la réorganisation du continent européen. Lors d'une réunion avec un haut fonctionnaire allemand de l'économie à Paris, après quelques mots d'introduction de Pierre Pucheu, un homme d'affaires qui venait d'être nommé ministre de l'Intérieur du régime de Vichy, Henri Ardant prit la parole. Le chef de la puissante Société Générale a déclaré, en accord avec Pucheu et d'autres entrepreneurs français, qu'ils soutenaient fermement les idées de l'Allemagne pour l'Europe, notamment celle, sous la direction de Berlin, de supprimer les « frontières douanières et [de] créer une monnaie unique pour l’Europe ». Cette déclaration était remarquable, selon un rapport strictement confidentiel rédigé par un participant allemand, d'autant plus qu'Ardant était alors considéré comme « le premier et le plus important des banquiers français ». L'historienne française Annie Lacroix-Riz cite ce rapport dans son ouvrage complet, désormais publié dans une deuxième édition révisée, intitulé « Industriels et banquiers français sous l'occupation ». Lire la suite

  • Du Kosovo à la Lituanie

    Berlin a prolongé la mission de la Bundeswehr au Kosovo. La guerre en Yougoslavie en 1999 a marqué un tournant dans la remilitarisation de la politique de puissance allemande. Depuis lors, l'armée allemande est de retour en Europe de l'Est.

    BERLIN/PRISTINA (rapport exclusif) – L'Allemagne maintiendra sa présence militaire au Kosovo pendant une année supplémentaire. C'est ce qu'a décidé le Bundestag jeudi dernier. La Bundeswehr est stationnée au Kosovo depuis maintenant 26 ans, avec pour objectif déclaré de stabiliser la région. Au cours des dernières années, la situation a toutefois dégénéré à plusieurs reprises en violents affrontements. La sécession du Kosovo de la Serbie, imposée par l'OTAN avec la participation de l'Allemagne depuis la guerre de Yougoslavie en 1999, n'est toujours reconnue que par moins de la moitié des États membres de l'ONU. Aujourd'hui, la République fédérale n'est pas seulement une puissance d'occupation au Kosovo, elle a également continuellement renforcé son influence militaire en Europe de l'Est dans le cadre de la lutte géostratégique contre la Russie. La participation allemande à l'agression contre la Yougoslavie en 1999, contraire au droit international, a constitué une étape décisive sur la voie du retour des forces armées allemandes en Europe de l'Est et de la remilitarisation de la politique de puissance allemande. Entre-temps, Berlin construit sa première base militaire permanente à l'étranger en Lituanie, dans une région où l'Allemagne a autrefois mené sa guerre d'extermination contre l'Union soviétique. Lire la suite

  • « Phase deux du tournant historique »

    L'OTAN fixe un objectif de 5 %. L’Allemagne souhaite tripler le budget militaire, qui passerait de 52 milliards d'euros (2024) à 153 milliards d'euros (2029). Un expert en politique étrangère affirme : « Nous sommes en guerre avec la Russie. »

    LA HAYE/BERLIN (rapport exclusif) – L'OTAN va prendre la tête de la course mondiale à l'armement et renforcer encore sa position de leader mondial en matière de militarisation. C'est l'une des principales conséquences de la décision prise mercredi lors du sommet de l'OTAN à La Haye, qui prévoit de fixer à partir de 2035 les dépenses militaires des États membres à 5 % du produit intérieur brut (PIB) – 3,5 % pour les besoins militaires directs et 1,5 % pour les besoins militaires indirects, en particulier les infrastructures. Aujourd'hui déjà, 55 % de toutes les dépenses militaires mondiales sont consacrées à l'OTAN. Seuls quelques pays dépensent plus de 3,5 % pour leurs forces armées, parmi lesquels Israël (8,8 %) et l'Arabie saoudite (7,3 %). Le gouvernement fédéral allemand souhaite tripler le budget militaire, qui passerait d'environ 52 milliards d'euros en 2024 à près de 153 milliards d'euros en 2029. Cela s'accompagnerait d'un nouvel endettement qui pourrait atteindre plus de 4 % du PIB en 2029. Pour justifier cette décision, le chancelier Friedrich Merz a déclaré mercredi que la Russie menaçait « toute la paix » en Europe. Un expert en politique étrangère affirme : « Nous sommes déjà en guerre avec la Russie », dans une « guerre hybride ». Lire la suite

  • Sale boulot – Drecksarbeit

    L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni annoncent des négociations avec l'Iran pour vendredi. Merz félicite Israël pour sa guerre d'agression et parle de « sale boulot fait "à notre place". Des critiques sévères viennent du Moyen-Orient.

    TÉHÉRAN/TEL AVIV/BERLIN (rapport exclusif) – Les trois puissances de l'Europe occidentale – l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne – annoncent pour ce vendredi à Genève une rencontre avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. Cette initiative est motivée par la volonté de développer une position indépendante des Etats-Unis dans le conflit sur le programme nucléaire iranien. Parmi les trois puissances d'Europe occidentale, la République fédérale d'Allemagne s'est clairement rangée du côté d'Israël et a déclaré que la guerre d'agression contre l'Iran était couverte par le « droit à l'autodéfense ». Le chancelier Merz a même déclaré qu'avec cette guerre, qui a déjà fait plus de 500 morts jusqu'à hier, Israël « fait le sale boulot pour nous tous ». Au sein de l'UE, toute une série d'États ne partagent pas la position allemande ; la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'a adoptée contre son gré, et pas pour la première fois. Les États du Proche et du Moyen-Orient critiquent en revanche vivement la guerre d'agression menée par Israël, conformément au droit international. Même l'opposition iranienne, jusqu'ici pro-occidentale, proteste massivement contre les bombardements meurtriers d'Israël. Lire la suite

  • Du droit à la guerre d'agression

    Berlin approuve la guerre d'agression d'Israël contre l'Iran. Les experts en droit international considèrent cette guerre et l'assassinat de scientifiques nucléaires iraniens comme contraires au droit international.

    BERLIN/TEL AVIV/TÉHÉRAN (rapport exclusif) – Le gouvernement fédéral approuve la guerre d'agression menée par Israël contre l'Iran, en violation du droit international, et ne critique pas l'assassinat de scientifiques civils par les forces armées israéliennes. Le chancelier fédéral Friedrich Merz a déjà déclaré vendredi de manière catégorique à propos de l'attaque contre l'Iran : « Nous réaffirmons qu'Israël a le droit de défendre son existence et la sécurité de ses citoyens. » Comme le montrent de nombreuses déclarations d'éminents spécialistes du droit international, une frappe préventive du type de l'attaque israélienne contre l'Iran n'est autorisée que si elle permet d'empêcher une attaque imminente et irrésistible qui ne peut être évitée par d'autres moyens. Ce n'était pas le cas ici ; en outre, l'Iran était en pourparlers avec les Etats-Unis au sujet de son programme nucléaire. Même l'assassinat ciblé de scientifiques nucléaires iraniens ne saurait être justifié au regard du droit international, constate un expert US. Divers gouvernements fédéraux, de la coalition rouge-verte à la coalition entre l'Union et le FDP, ont couvert dans le passé des crimes commis par des alliés proches, tels que la déportation de personnes soupçonnées de terrorisme vers des prisons où elles ont été torturées par la CIA ou les assassinats par drones des États-Unis dans le monde entier. Lire la suite

  • « Tirer les leçons de la tornade Trump »

    Le futur ambassadeur américain auprès de l'UE est un collaborateur de la Heritage Foundation de Washington, qui coopère étroitement avec les partis d'extrême droite en Europe et vise à transformer l'UE en une Europe des nations.

    WASHINGTON/BRUXELLES (rapport exclusif) – Un collaborateur d'une organisation américaine ayant des liens étroits avec l'extrême droite en Europe est sur le point de devenir ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE. Andrew Puzder, le dirigeant de fast-food que la Heritage Foundation à Washington compte parmi ses Distinguished Visiting Fellows, aurait, selon les rapports, survécu de justesse à son audition au Sénat américain mardi et pourrait désormais être nommé ambassadeur à Bruxelles. Proche des républicains américains, la Heritage Foundation suit la ligne de Trump depuis que son président actuel, Kevin Roberts, a pris ses fonctions en décembre 2021. Avec son Project 2025, l'association a rédigé une sorte de plan directeur pour l'administration Trump, dont plusieurs éléments importants ont depuis été intégrés dans la politique du gouvernement américain. En Europe, la Heritage Foundation collabore avec la Hongrie, dont le Premier ministre Viktor Orbán fait son éloge. Elle coopère également avec les Patriots for Europe (PfE), qui regroupent divers partis d'extrême droite en Europe. Elle vise à transformer l'UE en une confédération d'États plus souple, sur le modèle d'une Europe des nations populaire parmi l'extrême droite. Lire la suite

  • « La guerre maritime automatisée »

    La marine allemande participe activement aux grandes manœuvres de l'OTAN dans la mer Baltique, où l'OTAN intensifie les tensions avec la Russie. Un document stratégique de la marine prévoit un réarmement complet.

    ROSTOCK (rapport exclusif) – Dans un contexte de tensions qu'elle a elle-même exacerbées, l'OTAN mène depuis la semaine dernière dans la mer Baltique son grand exercice naval annuel BALTOPS en vue de préparer une guerre contre la Russie. Outre la défense contre les attaques aériennes et sous-marines ennemies, les exercices portent notamment sur les opérations de drones, les débarquements sur des côtes étrangères et la gestion de ce qu'on appelle des situations à grand nombre de victimes (grands traumatismes). Plus de 9 000 soldats, plus de 50 navires de guerre et 25 avions provenant de 17 pays de l'OTAN participent à ces manœuvres. Le centre névralgique est Rostock, où se trouve le commandement naval, dans lequel sont stationnés des militaires de plusieurs autres pays de l'OTAN. Ce dernier point est interdit par le traité deux plus quatre.Les manœuvres prévoient des scénarios similaires à ceux qui sous-tendent le document stratégique « Kurs Marine » (Cap Marine). Récemment publié par les forces navales allemandes, il décrit non seulement les théâtres d'opérations – de la mer Baltique à l'océan Atlantique Nord et au Pacifique – ainsi que les plans de réarmement, tels que l'acquisition de « flottes de drones de toutes tailles » et d'armes à longue portée pour frapper des cibles dans les pays ennemis. Le document met également en garde contre les tirs ennemis sur des cibles situées dans le propre pays. Lire la suite

  • Le plus grand programme d'armement

    L'OTAN a décidé du plus grand programme d'armement de l'alliance militaire depuis 1990. Les systèmes d'armement à acquérir ont été déterminés à partir de scénarios opérationnels pour une guerre contre la Russie.

    BERLIN/BRUXELLES (rapport exclusif) – Les ministres de la Défense de l'OTAN ont adopté le plus grand programme de réarmement de l'alliance militaire depuis la fin de la guerre froide. À l'issue de la réunion des ministres qui s'est tenue hier à Bruxelles, il a été annoncé que les pays de l'OTAN consacreront désormais 5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à l'armement, dont 3,5 % directement à leur budget militaire et 1,5 % à d'autres mesures de préparation à la guerre, telles que la construction d'infrastructures militaires nécessaires. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a commenté les conséquences de cette décision : « Les décisions prises aujourd'hui nous mèneront loin dans les années 2030. » Les plans de réarmement de l'OTAN ont été élaborés à partir de scénarios opérationnels concrets en cas de guerre avec la Russie. La Bundeswehr va notamment mettre en place cinq à six brigades de combat supplémentaires lourdement armées, chacune comptant environ 5 000 soldats. Selon M. Pistorius, le nombre de soldats devrait être augmenté de 60 000. Berlin souhaite profiter du réarmement de l'OTAN pour transformer la Bundeswehr en la force armée conventionnelle la plus puissante du continent européen, devant l'armée française. Lire la suite

  • La Chine et les terres rares (II)

    Les contrôles à l'exportation de la Chine, qui sont une réaction à la guerre économique occidentale, ralentissent la livraison de terres rares et entraînent de graves pénuries. Le secteur de l'armement est particulièrement touché.

    BERLIN/WASHINGTON/PÉKIN (rapport exclusif) – Des entreprises européennes et nord-américaines signalent les premières pertes de production dues à l'absence d'autorisations d'exportation pour les métaux rares en provenance de Chine. La République populaire détient un quasi-monopole sur ces matières premières. Elle a commencé à réglementer strictement leurs exportations, en réponse aux droits de douane imposés par les États-Unis sur les importations en provenance de Chine et en raison de l'augmentation rapide des restrictions, notamment américaines, sur les exportations vers la Chine. Alors que Washington et Pékin avaient convenu le 12 mai de suspendre leurs droits de douane réciproques pendant 90 jours et de reprendre les livraisons de terres rares en provenance de Chine, les États-Unis ont déjà torpillé cet accord le 13 mai en imposant de nouvelles restrictions à l'industrie high-tech chinoise. Les entreprises US envisagent maintenant de délocaliser une partie de leur production en Chine, où les terres rares sont toujours disponibles. La situation est particulièrement délicate pour l'industrie occidentale de l'armement, qui n'est actuellement plus approvisionnée par la République populaire. Celle-ci reflète ainsi les mesures d'embargo imposées depuis longtemps par l'Occident aux entreprises du secteur chinois de l'armement. Lire la suite

  • Négociations à Istanbul

    Les pourparlers de cessez-le-feu à Istanbul soulèvent à nouveau la question de savoir si la guerre n'aurait pas pu prendre fin dès 2022. Le ministre des Affaires étrangères Wadephul met en garde contre une surestimation des forces armées russes.

    BERLIN/KIEV/MOSCOU (rapport exclusif) – Les pourparlers entre Moscou et Kiev sur la fin de la guerre en Ukraine ont repris hier, lundi, à Istanbul, avec l'échange de documents de principe. La prochaine étape consisterait à analyser ces documents, après quoi les négociations pourraient se poursuivre. Entre-temps, l'échange de prisonniers entre la Russie et l'Ukraine prend déjà de l’ampleur. Le retour sur les pourparlers de cessez-le-feu à Istanbul au printemps 2022, qui s'impose avec la reprise des négociations d'Istanbul, est jusqu'à présent empêché par les médias dominants, qui affirment catégoriquement que la Russie avait alors exigé une capitulation inacceptable de l’Ukraine. Des analyses détaillées, y compris celles d'experts occidentaux, prouvent le contraire. Ils soulèvent à nouveau la question de savoir pourquoi l'Occident n'a pas soutenu, voire a torpillé, les efforts de paix de l'époque. La déclaration du nouveau ministre des Affaires étrangères Johann Wadephul, selon laquelle il ne faut pas surestimer la « machine de guerre » russe, soulève également des questions. L'affirmation selon laquelle les forces armées russes seront bientôt assez puissantes pour attaquer les pays de l'OTAN légitime l'actuel réarmement. Lire la suite