De la côte est à la côte nord
L'Allemagne renforce sa présence militaire dans l'Atlantique Nord et développe pour cela sa coopération militaire avec l'Islande et le Canada, sans des Etats-Unis.
BERLIN/REYKJAVÍK/OTTAWA (rapport exclusif) – L'Allemagne renforce sa présence militaire dans l'Atlantique Nord et développe systématiquement la coopération de la Bundeswehr avec l'Islande et le Canada. C'est le résultat des discussions menées par le ministre de la Défense Boris Pistorius au début de la semaine à Reykjavík et à Ottawa. Sur le plan stratégique, il s'agit avant tout de fermer la soi-disant brèche GIUK, c'est-à-dire les voies maritimes entre le Groenland (G), l'Islande (I) et la Grande-Bretagne (UK) que les sous-marins russes doivent emprunter s'ils veulent quitter leurs bases de la péninsule de Kola pour rejoindre l'Atlantique afin d'y attaquer les voies d'approvisionnement transatlantiques. En Islande, qui occupe une position clé à cet égard, le gouvernement fédéral allemand prévoit de stationner régulièrement des avions de reconnaissance maritime de type P-8A Poseidon, spécialisés dans la chasse aux sous-marins, et d'utiliser les ports du pays comme points de débarquement pour les navires de guerre allemands. En outre, la Bundeswehr doit coopérer plus étroitement avec les forces armées canadiennes, qui aspirent à une plus grande indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Le cadre est constitué par un « partenariat de sécurité pour l'Atlantique Nord », lancé en 2024 et regroupant l'Allemagne, le Canada, la Norvège et le Danemark. Lire la suite
« Des ponctions sur les richesses »
Entretien avec Claude Serfati
PARIS – german-foreign-policy.com s’est entretenu avec Claude Serfati au sujet du réarmement dans l’Union européenne, du « keynésianisme militaire » et de ses conséquences. Pour Serfati, les dépenses militaires ne sont pas productives « dans le sens de création de richesse » d’un pays ; elles sont plutôt « une ponction ». L’idée que les technologies militaires stimuleraient les technologies civiles est une idée seulement « circonstancielle ». L’espoir que la France « pourrait utiliser son avantage comparatif dans la défense pour compenser sa faiblesse industrielle face à l’Allemagne » a été déçu. Aujourd’hui, « la radicalisation de l’état bonapartiste et l’affaiblissement du capitalisme français » sont « une source de la radicalisation vers l’extrême droite». Serfati est économiste, chercheur associé à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) à Paris et membre du conseil scientifique d'ATTAC-France. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le militaire. Une histoire française (Paris 2017), L’État radicalisé. La France à l’ère de la mondialisation armée (Paris 2022) et Un monde en guerres (Paris 2024). Lire la suite
Les tributs de Big Agro
Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation estime que la concentration croissante du pouvoir des entreprises dans le secteur alimentaire menace la sécurité alimentaire, y compris celle des entreprises allemandes.
BERLIN/NEW YORK (rapport exclusif) – Le rapport du rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, sur le pouvoir des entreprises et les droits de l'homme dans la production alimentaire constate la concentration croissante et la menace qui en résulte pour le droit à l'alimentation et d'autres droits humains. Selon M. Fakhri, ces processus de concentration stabilisent également le modèle agro-industriel avec tous ses effets négatifs sur l'environnement et le climat. Des entreprises allemandes telles que Bayer, BASF et EW Group font partie des sociétés mentionnées dans le rapport qui dominent plusieurs secteurs du marché mondial de l'agroalimentaire. La politique agricole de l'UE est également critiquée en raison de son système de subventions qui récompense la taille des exploitations et favorise ainsi la disparition des petites fermes. Afin de limiter le pouvoir des entreprises, M. Fakhri propose de recourir au droit des sociétés, malgré ses lacunes. Il recommande aux États d'utiliser des moyens juridiques, notamment le droit pénal national et international, pour mettre les entreprises à leur place. En outre, son rapport appelle les gouvernements à participer aux négociations sur un accord des Nations unies visant à réglementer les pratiques commerciales des entreprises multinationales. Lire la suite
De la guerre des drones à la guerre spatiale
L'UE prévoit des mesures globales de production et d'approvisionnement dans le domaine des drones et de l'espace. Elle favorise l'Allemagne dans ses efforts pour devenir la puissance militaire conventionnelle la plus forte d'Europe.
BERLIN/BRUXELLES (rapport exclusif) – La nouvelle « feuille de route pour la capacité de défense » de l'UE prévoit des mesures de réarmement à grande échelle dans le domaine des drones et de l'espace, et favorise l'ascension de la Bundeswehr au rang de force armée conventionnelle la plus puissante d'Europe. Le document, présenté la semaine dernière par la Commission européenne et qui doit être adopté cette semaine par les chefs d'État et de gouvernement, définit neuf domaines prioritaires et quatre projets phares pour la militarisation de l'UE. Plusieurs États membres de l'UE doivent se regrouper en « coalitions » afin de concentrer le développement et la production de systèmes d'armes. Selon certaines informations, l'Allemagne revendique la direction de cinq des neuf coalitions. Les projets phares concernent précisément des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral allemand veut accélérer sa propre montée en puissance militaire – notamment dans le domaine des drones, où Berlin prévoit d'investir jusqu'à dix milliards d'euros dans les prochaines années, et dans la militarisation de l'espace, pour laquelle 35 milliards d'euros sont prévus. L'augmentation massive des dépenses d'armement de l'Allemagne permet à Berlin, dans ces domaines – et d'autres –, de réaliser une percée vers son objectif de devenir la puissance militaire la plus forte de l'Europe. Lire la suite
Les nouvelles restrictions chinoises à l'exportation
Berlin et Bruxelles craignent que les nouvelles restrictions chinoises à l'exportation des terres rares n'entraînent de graves problèmes pour leur industrie. Quatre millions d'emplois dépendent des terres rares en Allemagne.
BERLIN/BRUXELLES/PÉKIN (rapport exclusif) – Les nouvelles mesures de contrôle des exportations de terres rares imposées par la Chine suscitent de vives inquiétudes en Allemagne et dans l'Union européenne, qui craignent que des segments importants de leur industrie ne sombrent dans une crise dramatique. En réponse aux nouvelles représailles économiques de Washington, Pékin a annoncé jeudi dernier qu'à l'avenir, une autorisation officielle serait obligatoire non seulement pour l'exportation des terres rares elles-mêmes, mais aussi pour celle des marchandises dont la teneur en terres rares est supérieure à 0,1 %. Jusqu'à présent, ce sont principalement les États-Unis qui ont imposé de tels contrôles à l'exportation ; la République populaire fait désormais de même. L'économie allemande est déjà confrontée aux conséquences des contrôles à l'exportation introduits par Pékin au printemps dernier. Si les Etats-Unis mettent leur menace à exécution et que le conflit s'intensifie avec des mesures de rétorsion, les nouvelles mesures chinoises pourraient aggraver les problèmes et entraîner une grave pénurie de terres rares. Selon une analyse du cabinet de conseil McKinsey, environ quatre millions d'emplois en Allemagne dépendent directement ou indirectement de ces terres rares, pour une valeur ajoutée de 220 milliards d'euros. Lire la suite
Le prix Nobel du renversement
L'attribution du soi-disant prix Nobel de la paix à María Corina Machado résulte de la décision du comité du prix Nobel d'encourager la politique d'agression du président US Donald Trump contre le Venezuela.
BERLIN/CARACAS (rapport exclusif) La politique de renversement menée depuis de nombreuses années par la nouvelle lauréate du soi-disant prix Nobel de la paix a été soutenue pendant longtemps par une fondation allemande. Comme l'indique la fondation Friedrich-Naumann, proche du FDP (parti liberal d’Allemagne), elle est « fière » d'avoir coopéré « intensivement depuis de nombreuses années » avec la politicienne d'opposition vénézuélienne d'extrême droite María Corina Machado « et ses partisans ». Machado, qui a été impliquée à plusieurs reprises dans des tentatives de putsch au Venezuela et qui se prononce en faveur de sanctions qui touchent principalement la population de son pays, collabore aujourd'hui avec l'alliance d'extrême droite Patriots for Europe (PfE), dont font notamment partie le parti français Rassemblement National (RN) et le parti Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orbán. Un événement organisé par PfE en septembre, auquel Machado a participé en tant qu'oratrice, avait pour slogan « La Reconquista commence ». Machado entretient notamment des contacts étroits avec l'administration Trump, qui intensifie considérablement ses pressions et ses attaques contre le gouvernement vénézuélien du président Nicolás Maduro. L'attribution du prix Nobel de la paix est le résultat de la décision de soutenir les agressions de Trump contre Caracas. Lire la suite
L'intégration de l'extrême droite
Le groupe de réflexion berlinois SWP met en garde contre l'intégration de l'extrême droite dans « le système politique de l'UE ». Les partis d'extrême droite participent à neuf des 27 gouvernements de l'UE. L'AfD pourrait atteindre 30 %.
BERLIN/PRAGUE/PARIS (rapport exclusif) – Avec la victoire éclatante d'un parti de l'alliance européenne Patriotes pour l'Europe (PfE) aux élections législatives en République tchèque, l'extrême droite renforce encore un peu plus son influence dans l’UE. Lors des élections qui se sont déroulées à la fin de la semaine dernière, le parti ANO du milliardaire Andrej Babiš est devenu la première force politique avec 34,5 % des voix. En tant que Premier ministre, Babiš pourrait s'appuyer sur un autre parti membre du PfE et sur un parti de l'alliance Europe des nations souveraines (ENS), dont fait également partie l’AfD. Au sein de la PfE, le RN français de Marine Le Pen occupe une position dominante. Depuis la semaine dernière, il occupe deux des six postes de vice-présidents de l'Assemblée nationale française, grâce à des accords avec le « bloc centriste » sur lequel s'appuie le président Emmanuel Macron. Entre-temps, le PF, l'ENS et les Conservateurs et réformistes européens (CRE), également d'extrême droite, gagnent de plus en plus d'influence au Parlement européen, où ils représentent plus d'un quart des députés ; la Fondation Science et Politique (SWP) de Berlin parle de leur « intégration » croissante dans « le système politique de l'UE ». De son côté, l'AfD atteint de nouveaux records dans les sondages. Lire la suite
À la recherche d'un plan B
Le différend franco-allemand concernant le projet d'avion de combat de sixième génération (SCAF) n'est toujours pas résolu. L'Allemagne envisage de se séparer de la France et de coopérer avec la Suède ou la Grande-Bretagne.
BERLIN/PARIS (rapport exclusif) – À la veille de la rencontre entre le chancelier allemand Friedrich Merz et le président français Emmanuel Macron ce vendredi à Sarrebruck, le différend concernant l'avion de combat franco-allemand SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) reste sans solution. Depuis le lancement du projet en 2017, le développement de cet avion de combat de sixième génération, qui doit être utilisé en association avec des drones et des essaims de drones, est marqué par des conflits concernant la répartition des parts dans le développement et la production. Alors que l'Allemagne estime que le groupe français Dassault exige des parts excessives, Dassault revendique un rôle de leader clair compte tenu des retards dans le projet. Aucune solution susceptible de lever le blocage actuel n'est en vue. En Allemagne, on évoque une séparation avec Dassault et un changement vers une coopération avec la Suède ou la Grande-Bretagne ; les groupes industriels de ces deux pays disposent du savoir-faire technologique nécessaire au développement de l'avion de combat, qui fait défaut à l'Allemagne. La France dispose également du savoir-faire et pourrait développer le SCAF seule, mais elle serait dépendante de partenaires financiers solides, par exemple en Inde ou dans le monde arabe. Lire la suite
La crise des drones (II)
Les plans visant à créer un mur anti-drones sur le flanc est de l'OTAN doivent être discutés lors du sommet informel de l'UE à Copenhague. Les start-ups allemandes plaident en faveur de cette mesure depuis des mois.
BERLIN/BRUXELLES (rapport exclusif) – À la veille du sommet informel de l'UE qui s'ouvre aujourd'hui à Copenhague, les projets de construction d'un mur de drones sur le flanc est de l'OTAN prennent de l’ampleur. Après l'annonce faite par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans son discours sur l'état de l'Union, le commissaire européen à la défense, Andrius Kubilius, a attribué vendredi une « priorité immédiate » à ces projets. Les start-ups allemandes spécialisées dans l'armement, telles que Helsing ou Quantum Systems, se prononcent depuis des mois en faveur du bouclier anti-drones, déjà réclamé en mars par le président de la Société allemande de politique étrangère (DGAP), l'ancien directeur général d'Airbus Thomas Enders, dans un document de synthèse. Selon M. Enders, il s'agit de promouvoir les équipements militaires européens de haute technologie conçus sans recourir à la technologie US. C'est précisément l'objectif des start-ups telles que Helsing ou Quantum Systems. Elles développent leurs drones en étroite collaboration avec l'Ukraine, où leur efficacité est testée dans des conditions réelles de guerre. Mais elles ne sont pas sans concurrence : ce week-end, la Grande-Bretagne a réaffirmé son intention d'équiper le mur de drones avec ses propres drones. Le ministre de la Défense Boris Pistorius soulève désormais des objections contre le projet. Lire la suite
La crise des drones (I)
Face aux tensions avec la Russie concernant les vols de drones au-dessus des bases militaires danoises, l'Alliance renforce ses opérations en mer Baltique. Berlin envisage la création d'un « mur de drones » à l’est.
BERLIN/BRUXELLES (rapport exclusif) – L'OTAN renforce son opération Baltic Sentry en mer Baltique et envisage de transformer sa surveillance de l'espace aérien (Air Policing) dans les pays baltes en une opération militaire permanente. Il en résulterait un durcissement des règles d'engagement et une nouvelle escalade de la situation dans la région. L'OTAN réagit ainsi, d'une part, au fait que des avions militaires russes auraient traversé l'espace aérien au-dessus du territoire de l'Estonie, membre de l'OTAN. D'autre part, elle réagit aux vols de drones au-dessus des aéroports et des bases militaires au Danemark. Récemment, le Danemark a fait venir à plusieurs reprises à Bornholm des lance-roquettes américains capables de tirer des armes à moyenne portée dans le cadre de manœuvres. Ces armes à moyenne portée pourraient facilement atteindre la Russie. En Allemagne, un membre du gouvernement fédéral plaide désormais également en faveur de l'abattage des avions militaires russes qui survolent l'espace aérien des pays de l’OTAN. En ce qui concerne les vols de drones au-dessus des bases militaires danoises, le président ukrainien Volodymyr Zelensky exige que la mer Baltique soit en principe fermée aux navires russes. Berlin fait avancer le débat sur un « mur anti-drones » pour la défense contre les drones. Lire la suite