Qu'y a-t-il derrière le ,,Prix Albert Schweitzer"?

Communiqué de presse La remise du ,,Prix Albert Schweitzer"par la Fondation Johann Wolfgang von Goethe, de Bâle, à l'Eglise de Gunsbach, Haut Rhin, le dimanche 5 septembre 2004, à 15 heures. Ce 2 septembre 2004

Vous allez être lauréats du Prix Albert Schweitzer ou vous allez assister à la remise de ce prix. Les quelques informations qui suivent devraient vous intéresser. Ainsi que de nombreux autres prix et bourses liées à ces prix, le Prix Albert Schweitzer a été créé et financé par la fondation allemande ,,Johann Wolfgang von Goethe-Stiftung"dont le siège est à Bâle et a été dirigée, ainsi que la fondation ,,Alfred Toepfer-Stiftung FVS"de Hambourg, par le mécène Alfred Toepfer jusqu'à sa mort, en 1993, puis par ses héritiers.

Scandales publics en série

Le passé d'Alfred Toepfer, les activités de ses fondations et la remise de leurs prix - avant, pendant et après la guerre - ont donné lieu dans un passé récent à des polémiques et à des scandales publics nombreux, entraînant la suppression par les fondations de plus d'une douzaine de prix:

- en 1973, scandale en Alsace à cause de la tentative d'achat, avortée, par la Fondation Goethe; du château de Kintzheim (Haut-Rhin);

- en 1979, à Strasbourg, scandale international lors de la remise du ,,Prix Europe de l'Homme d'Etat"à Helmut Schmidt et à Raymond Barre; prix supprimé depuis;

- en 1992, en Autriche, à Vienne, scandale lors de la remise du ,,Prix Grillparzer", prix supprimé depuis;

- en 1996, scandale à Strasbourg lors de la remise du ,,Prix Strasbourg", prix supprimé depuis, la Municipalité de Strasbourg et l'Université de Strasbourg ayant d'un commun accord mis fin à leur participation à ce prix;

- en 1999, scandale dans les médias et dans le monde politique suisses, en raison des activités des fondations et du passé d'Alfred Toepfer, motivant entre autres une interpellation au Parlement de Bâle (Basler Grossrat);

- en 2000 à Paris et pour les mêmes raisons, le Président du Sénat de la République Française annula purement et simplement la remise prévue par les fondations Toepfer - dans les salons du Sénat - d'une ,,Médaille d'or Robert Schuman", supprimée depuis, à un ancien ministre polonais;

- en décembre 2002, vive polémique à Paris en raison d'une table ronde à l'Institut Historique allemand de Paris initiée par les fondations Toepfer et destinée à réhabiliter fondations et mécène aux yeux des Français. Devant les protestations indignées la table ronde fut annulée.

Alfred Toepfer, ses fondations et ses firmes rattrapés par leur passé nazi

- à partir de 1935, Alfred Toepfer devient ,,membre bienfaiteur de la SS"( ,,Foerderer der SS");

- vers mai 1940 Toepfer édite une brochure intitulée ,,Westschau"(Vues sur l'Occident) et dans laquelle il glorifie Hitler et sa politique de ,,réorganisation du continent". Toepfer y milite ,,pour la réintégration dans le Reich"des ,,19 millions de frères de race dispersés et annexés dans les marches occidentales du Reich"(par la France, la Belgique, la Suisse).

- en tant qu'officier des Services de Renseignements allemands en France occupée ( ,, Abwehr ") et en étroite concertation avec le ,, SS-Brigadeführer "(général SS) et criminel de guerre Werner Best, Alfred Toepfer a tenté par tous les moyens de soulever les séparatistes alsaciens, basques, bretons et flamands afin de provoquer l'éclatement de la France;

- entouré de séparatistes alsaciens et lorrains pour le seconder dans ses missions d'espionnage et de subversion, Alfred Toepfer a ?uvré au retour forcé en Alsace et en Lorraine annexées de nombreuses familles évacuées - entraînant du même coup l'incorporation de force d'un grand nombre de jeunes Alsaciens et Lorrains. Les complices séparatistes de Toepfer furent tous condamnés à de lourdes peines à la Libération ou durent s'exiler;

- de 1943 à 1944, Alfred Toepfer a participé activement, par le biais de multiples opérations de marché noir, au pillage économique de la France occupée;

- en Pologne annexée, une des filiales de la firme d'Alfred Toepfer a réalisé de substantiels profits en approvisionnant l'administration allemande du ghetto de Lodz en chaux vive destinée à recouvrir les victimes juives dans des fosses communes;

- en Espagne et au Portugal, son réseau ,,la Organizacion Toepfer"achète des matériaux stratégiques d'intérêt vital pour l'armement du IIIème Reich. Pour régler ces achats, il dispose de ,,l'or nazi"qui provient - via la Suisse - du pillage des victimes de l'Holocauste. Pour la seule période d'avril-mai 1942, il réceptionne 130 kg de cet or.

Les continuités de l'après-guerre

Après 1945, Alfred Toepfer engage dans ses firmes et ses fondations deux nazis allemands, criminels de guerre notoires:
- Edmund Veesenmeyer, ancien bras droit de Eichmann en Hongrie occupée et responsable de la déportation et de la mort en déportation de 400 000 (quatre cent mille) juifs hongrois;
- Hans-Joachim Riecke, ,,Chef de la politique agricole et alimentaire"nazie dans les territoires soviétiques occupés et responsable de la mort par épuisement et par la faim de plusieurs centaines de milliers de prisonniers de guerre soviétiques. Lors des obsèques de Riecke en août 1986, c'est Alfred Toepfer en personne qui prononce l'éloge funèbre du criminel de guerre.
- Dans les années 60 et jusqu'au début des années 70, Alfred Toepfer apporte son soutien financier à Thies Christophersen, ancien ,,SS-Fuehrer"du camp d'extermination d'Auschwitz et auteur de ,,Die Auschwitz-Luege"( ,,Le mensonge d'Auschwitz"), livre qui devint rapidement l'ouvrage de référence des négationnistes de l'Holocauste du monde entier.

Face à ce bilan, qui pour être partiel n'en est pas moins édifiant, la remise du Prix Albert Schweitzer par la fondation Goethe de Bâle à trois lauréats alsaciens apparaît comme la tentative pathétique d'une fondation Toepfer de reprendre coûte que coûte pied en Alsace, région à laquelle Alfred Toepfer avait témoigné une sollicitude pour le moins envahissante. C'est pourquoi nous refusons que cette machination se présente en toute impunité devant l'opinion sous le masque de cet hommage rendu à la figure et à l'oeuvre d'Albert Schweitzer, instrumentalisées par la fondation Goethe pour les besoins de sa cause. Il va sans dire que la bonne foi des récipiendaires ne saurait être mise en cause dans cette affaire.

Les universitaires et chercheurs, français, allemands et belges signataires du présent communiqué, ainsi que ceux qui les ont rejoints, tiennent à souligner que ce texte s'inscrit dans la continuité de l'action menée avec succès par eux en 1996 contre le Prix Strasbourg, à la suite de la publication du Livre Blanc: Ombres et lumières sur les Fondations Toepfer.

Signataires:
Lionel Boissou, enseignant, chercheur indépendant. Philippe Breton, sociologue, chercheur au C.N.R.S, Université Marc Bloch, Strasbourg. Bruno Kartheuser, auteur (Belgique). Gérard Loiseaux, dr en littérature française, auteur. Hans-Ruediger Minow, journaliste et producteur de télévision (Allemagne). Sylvain Schirmann, professeur des Universités; Léon Strauss, professeur des Universités.


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